Synthèse du sondage diffusé le 15 novembre 2020 sur les réseaux sociaux et par l’intermédiaire d’associations dans le champ de l’autisme.

Contexte
Notre association a souhaité établir un état des lieux des aides de la MDPH accordées aux adultes autistes sans Trouble du Développement Intellectuel (TDI). En effet, suite à plusieurs alertes, il apparaît que cette partie de la population rencontre des difficultés significatives à faire connaitre leurs particularités de fonctionnement et besoins spécifiques auprès des MDPH. Cela apparait d’autant plus flagrant concernant l’accès à la Prestation de Compensation du Handicap (PCH), alors que les répercussions de leur handicap le justifierait. Pourquoi ?
PAARI a donc diffusé un sondage le 15 novembre 2020 sur les réseaux sociaux et par l’intermédiaire d’autres associations dans le champ de l’autisme.
Les résultats ont été transmis à la Délégation Interministérielle Autisme (DIA), au cabinet de Sophie Cluzel et à la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA).
L’enquête a recueilli 170 réponses. L’échantillon n’est pas assez important pour que cela soit représentatif de la population des personnes autistes en général, mais au vu du manque de données chiffrées concernant cette population, cela présente malgré tout un intérêt.
Sommaire
- Données socio-démographiques
- Les demandes d’aide auprès de la MPDH
- Les réponses de la MDPH
- Les difficultés rencontrées pour accéder aux aides de la MDPH
- Préconisations
1. Données socio-démographiques des personnes
La population adulte ayant répondu au sondage est relativement jeune et à prédominance féminine. Il s’agit majoritairement de personnes célibataires, sans enfant, vivant seules ou dans leur famille.
Le niveau d’études des répondants est, dans l’ensemble, supérieur au baccalauréat mais, dans notre sondage, nous constatons que 48 % des personnes autistes sont considérées comme actifs (en emploi à temps plein ou temps partiel et chômeurs), contre 71.9 % dans la population générale.
2. Les demandes d’aide auprès de la MPDH
84.1 % des répondants ont demandé des aides de la MDPH, quelles qu’elles soient, soit 143 personnes. Cela montre bien qu’une fois le diagnostic d’autisme posé, les personnes expriment le besoin d’une compensation de leur handicap.
Pour les personnes qui n’ont pas demandé d’aide à la MDPH, les deux principales raisons évoquées sont qu’elles ne pensaient pas y avoir droit ou que la démarche leur semblait trop compliquée.
Nous rappelons que l’accès aux aides devrait être facilité par les professionnels qui délivrent les diagnostics, que ce soit en CRA, CMP, CAMPS, CMPP ou en libéral. Et que les MDPH devraient considérer tous les profils et leurs besoins.
3. Les réponses de la MDPH
Le taux d’incapacité
57.3 % des personnes autistes ayant répondu au sondage ont un taux d’incapacité se situant entre 50 et 79 % et 14.7 % des personnes ont un taux se situant à 80 % ou plus.
Un préjugé ancré concernant la population des personnes autistes sans TDI est que celles-ci auraient une forme d’autisme « léger » ayant peu de retentissement dans la vie quotidienne et ne nécessitant pas d’accompagnement dédié.
Or, les réponses à ce sondage montrent bien que l’autisme occasionne des limitations d’activité importantes pour les personnes concernées avec un taux d’incapacité plutôt élevé. Le Quotient Intellectuel ne doit donc pas être pris comme prétexte à un refus d’aide de prime abord.
Les acteurs des MDPH notamment ne sont pas au fait des écarts importants qui existent entre pics de compétences et pics de déficits chez les personnes autistes. Elles ne comprennent pas non plus que les personnes autistes puissent exceller dans des tâches semblant complexes pour une personne ordinaire, mais se retrouver en grande difficulté dans la réalisation des gestes et activités de la vie quotidienne.
Les aides sollicitées
Lorsque les personnes ont fait appel aux aides de la MDPH (hors PCH qui fait l’objet de questions spécifiques ci-après), elles se sont vues refuser :
- La RQTH pour 2.97 % des répondants
- L’AAH pour 28 % des répondants
L’une des explications possibles est que la RQTH n’étant pas une compensation financière directe, elle est plus facilement accordée par les MDPH. Il est d’ailleurs à noter que nombre de personnes expriment :
« ON A L’IMPRESSION D’ÊTRE HANDICAPÉS JUSTE ÉGARD À LA RQTH… ».
La Prestation de Compensation du Handicap
Seules 39.9 % des personnes autistes ont sollicité la PCH, 60.1 % ne l’ont pas demandé.
Parmi les personnes qui ne l’ont pas sollicité, la part la plus importante (55 personnes) ne pensait pas y avoir droit et 18 personnes ont trouvé que les démarches étaient trop compliquées.
Il y a une réelle nécessité de mieux et plus sensibiliser les professionnels qui remplissent le certificat médical CERFA accompagnant une demande MDPH. Tout comme les MDPH doivent mieux appréhender les besoins réels des personnes autistes sans TDI pour rendre ces derniers explicites dans la rédaction du projet de vie.
A noter qu’il est préoccupant de constater que parmi les personnes qui ont été dissuadées de demander des aides, la majorité l’a été par un professionnel de la MDPH.
Le cas spécifique de l’aide humaine

L’aide humaine, c’est 64.28 % de refus sur le total des sollicitations !
On peut être surpris par un pourcentage aussi élevé à cet endroit car les taux d’incapacité montrent que les personnes autistes sont en difficulté dans la vie quotidienne et sociale.
On peut supposer que les MDPH n’ont pas une connaissance suffisante du fonctionnement de l’autisme et de son impact dans la vie des personnes.
Les tâches quotidiennes qui sont réalisées avec difficultés pour les personnes autistes, mais sans aide humaine :
- Communiquer avec les autres pour 18 personnes
- Motricité fine pour 16 personnes
- Utiliser le téléphone, Utiliser les autres appareils et techniques de communication et maîtriser son comportement, 15 personnes ont répondu pour chacun de ces items
Les tâches quotidiennes réalisées avec aide humaine (directe ou stimulation) :
- Gérer son suivi de soin pour 26 personnes
- Se déplacer à l’extérieur, Gérer sa sécurité personnelle, Prendre son traitement médical, 20 personnes ont répondu pour chacun de ces items
- Communiquer avec les autres pour 19 personnes
Les tâches quotidiennes non réalisées :
- Faire des démarches administratives pour 19 personnes
- Assurer les tâches ménagères pour 14 personnes
- Préparer un repas
Les principales difficultés rencontrées par les personnes autistes dans leur vie quotidienne concernent la communication avec autrui, le suivi de leur santé et les démarches administratives.
Ce dernier item expliquerait pourquoi nombre de personnes autistes ne sollicitent pas les aides de la MDPH.
Il est aussi inquiétant de voir que le suivi santé représente une difficulté importante, car les conséquences peuvent être graves pour l’intégrité des personnes.
Les difficultés de communication font partie de ce que les professionnels de santé appellent le noyau de symptômes, la dyade autistique. Ils sont invalidants au quotidien, malgré cela, leur impact négatif dans la vie des personnes n’est pas toujours bien évalué.
59.5 % des personnes autistes considèrent que la réalisation avec difficulté, avec aide humaine ou la non réalisation des tâches de vie quotidienne ont un retentissement fort dans leur vie.
33.3 % considèrent que ce retentissement est moyen et seulement 7.1 % considèrent que l’impact dans la vie quotidienne est faible.
A noter que beaucoup de MDPH ne tiennent pas compte du besoin de stimulation des personnes autistes sans TDI ou que ce besoin de stimulation n’est pas suffisamment mis en évidence dans le projet de vie du demandeur.
Les autres aides de la MDPH
Réponses de la MDPH :
- Aide technique : 76.92 % de refus
- Aménagement du logement, du véhicule et surcoût lié au transport : 90.10 % de refus
- Aide spécifique et exceptionnelle : 79.41 % de refus
- Aide animalière : 75 % de refus
A noter qu’il y a eu globalement peu de réponse à ces items. La plupart des personnes autistes n’ont pas sollicité ces autres aides. Il serait intéressant de savoir pour quelle raison. Est-ce un non besoin ou une non compréhension de ce que ces aides peuvent couvrir ? On peut se poser la question, notamment pour l’aide au transport lorsque l’on met en corrélation avec les réponses qui montrent que se déplacer à l’extérieur représente une difficulté importante.
Nous savons aussi, au delà de ce sondage, que les aides techniques restent très, trop axées handicaps moteurs et sensoriels. Les particularités perceptives, de motricité et en lien avec les fonctions exécutives des personnes TSA sans TDI ne trouvent pas de compensation dans le liste actuelle de ces aides techniques alors qu’elles pourraient/devraient en relever (casque réducteur de bruit, salle de bain aménagée sensoriellement, éclairage du logement adapté etc…)
Par ailleurs, il existe un biais majeur dans le traitement des demandes par la MDPH qui consiste à trop vite considérer qu’une personne non éligible au volet Aide Humaine n’est pas éligible aux autres volets. Ce raccourci est très nuisible aux personnes autistes sans TDI et les prive du volet Aide Spécifique et Exceptionnelle qui pourrait leur permettre de bénéficier d’un suivi paramédical.
4. Les difficultés rencontrées pour accéder aux aides de la MDPH
80.70 % des répondants considèrent qu’ils ne sont pas suffisamment informés de leurs droits concernant l’accès aux aides de la MDPH et leurs conditions d’obtention.
Pour 50 % des personnes, c’est un proche qui les a aidé à remplir le dossier, pour 23.8 % c’est un salarié du secteur médico social qui a rempli ce rôle et pour 14.3 %, les personnes se sont faites aider par une assistante sociale.
Nous tenons à relever ici le manque de sollicitations, mais aussi de disponibilité et formation des assistantes sociales de secteur qui devraient jouer un rôle essentiel dans l’accompagnement aux démarches auprès de la MDPH.

31.6 %, soit plus d’un tiers des personnes qui ont sollicité la PCH ont été dissuadées de faire cette demande en première intention. La première raison qu’elles évoquent est qu’on leur a dit qu’ « elles n’étaient pas assez handicapées ». 39.28 % d’entre elles ont été dissuadées par un professionnel de la MDPH.
les principaux besoins qui n’ont pas été pris en compte sont (par ordre d’importance) :
- La fatigue limitant la capacité d’action
- Les pathologies associées : TDAH, anxiété, dépression…
- L’impact de la perception sensorielle dans la limitation des activités
La question de la fatigue des personnes autistes et des burn-outs autistiques que cela occasionne est une problématique souvent abordée par les personnes autistes, mais qui reste à ce jour peu connu et prise en compte, aussi bien des chercheurs, des professionnels de santé que des professionnels des MDPH. Des actions devraient être menées afin de mieux comprendre pourquoi les personnes autistes ressentent autant de fatigue et leur proposer des solutions de répit.
Il est plus étonnant de constater que les comorbidités et la perception sensorielle, qui sont pourtant connues pour impacter la qualité de vie des personnes autistes, ne sont pas davantage prises en compte lors des demandes de PCH.
Enfin, nous souhaiterions approfondir le besoin de stimulation qui n’a pas été retenu comme un motif important par les personnes autistes dans ce sondage, alors qu’elles l’expriment souvent, mais en d’autres termes. Nous pensons important de clarifier auprès d’elles ce que représente une stimulation.
5. Préconisations
Suite à l’analyse de ce sondage, nous proposons plusieurs pistes de travail sous forme de préconisations :
Accès et pose du diagnostic
Améliorer urgemment une meilleure connaissance des profils des personnes TSA sans TDI. L’accès à un diagnostic est la condition sinéquanone pour bénéficier des aides de la MDPH. Tant que les personnes ne sont pas diagnostiquées, elles ne peuvent accéder à aucune aide au titre de leur handicap. Les professionnels des CRA/CMP/CMPP/CAMPS et les libéraux doivent être formés et former ensuite eux-mêmes leurs confrères qui contribuent aux diagnostics (paramédicaux, médecins – dont les psychiatres mais pas que…) aux spécificités des personnes autistes sans TDI, tout comme de leurs troubles associés, et au remplissage du certificat médical CERFA pour la MDPH.
Accès et obtentions des moyens de compensations
Les assistantes sociales de secteur et acteurs des MDPH doivent aussi être formés aux particularités des personnes TSA sans TDI et au remplissage adéquat du dossier de demande ; projet de vie notamment. A noter qu’à ce jour, le guichet unique et facilitateur d’accès aux aides qu’étaient censées représenter les MDPH est plus gros frein à l’autonomisation des personnes autistes après le retard français en termes de diagnostic.
Il devient urgent de veiller à ce que la PCH soit accessible et en adéquation avec la réalité des adultes autistes sans TDI. Cela vaut notamment pour l’accès au volet Aide Humaine, mais aussi pour l’Aide Spécifique et Exceptionnelle qui ne doit pas être fermée d’emblée aux adultes autistes sans TDI ne relevant pas du volet Aide Humaine. Les personnes autistes doivent aussi plus facilement bénéficier des Aides Techniques dont la liste doit tenir compte de leur fonctionnement neuro-perceptif, et de l‘aide au transport.
Tout comme nous demandons un « forfait tardif » au même titre que le « forfait précoce » ce qui est mis en place pour les enfants et le développement de centres de remédiation cognitive et développement des habiletés sociales.
Enfin, la création de lieux de répit adaptés à la population autistes adulte sans TDI représente un enjeu fort pour prévenir les décompensations et les suicides.
Ateliers d’éducation thérapeutique de la personne TSA
Les programmes des ateliers ETP TSA devraient inclure un volet sur les aides administratives existantes et les droits en général pour favoriser l’autodétermination et l’empowerment des personnes autistes. Lire notre article sur l’ETP
Suivi santé
Intensifier la création d’outils adaptés et la formation des professionnels de santé au fonctionnement des personnes autistes.
Un meilleur accompagnement dans l’emploi
Puisque l’on constate que malgré un niveau d’étude plutôt élevé, les personnes autistes ont plus de difficultés à avoir un emploi. Il existe actuellement peu de dispositifs d’accompagnement dans l’emploi qui répondent aux problèmes spécifiques des personnes autistes sans TDI. Lorsqu’ils existent, ils peuvent être coûteux sans que les personnes puissent bénéficier d’aide financière à la hauteur de leur besoin.
Nous souhaiterions avoir un bilan de l’impact des dispositifs d’emploi accompagné pour cette population.
Un travail d’adaptation des aides doit aussi être envisagé avec l’AGEFIPH et le FIPHFP.
Bon sens
– Il faut accompagner les enfants d’aujourd’hui avec la perspective qu’ils vont devenir des adultes, et les adultes d’aujourd’hui avec celle qu’ils vont vieillir.
– Il faut prévenir plutôt que guérir, à cet égard, les moyens de compensation évoqués sont là pour éviter des drames humains, qui plus est coûtent chers dans tous les sens du terme.
– En misant sur l’accès aux moyens et répondant aux besoins des personnes autistes sans TDI, vous leur permettrez de mieux vivre. Par conséquent, besoins, plus conséquents, pour leurs pairs avec TDI pourront être mieux comblés.