Natacha Eté revient sur le colloque « Sommeil et TND » organisé par le Groupement d’Intérêt Scientifique Autisme et TND (GIS autisme et TND) le 10 juin 2021. PAARI remercie ses membres pour leur implication dans ce projet essentiel pour la compréhension du fonctionnement autistique et l’amélioration de la qualité de vie des personnes concernées par les troubles du neuro-développement.

Qu’est-ce qu’un Trouble du Neuro-Développement ?

Les principaux TND sont : l’autisme, TDAH, troubles Dys, certains troubles moteurs, le Trouble du Développement Intellectuel et certaines formes d’épilepsie.

Focus sur le Trouble du Développement Intellectuel

Le terme TDI remplace celui de Déficience Intellectuelle depuis le DSM-5. Il se compose de trois critères de diagnostic :


  • Déficit des compétences intellectuelles (QI) : Troubles du raisonnement logique et de l’abstraction.
  • Capacités adaptatives limitées : Communication, autonomie, compétences sociales, soins personnels, utilisation des ressources sociales et maintien de la sécurité personnelle (évaluées avec VABSII).
  • Apparition avant l’âge adulte : Se révèle pendant l’enfance et persiste à l’âge adulte.

Les TND font partie d’un continuum avec des mécanismes neurologiques communs entre les différentes conditions. Différents TND cohabitent souvent (mécanismes communs) notamment : TSA et TDAH 40 à 70 %, TSA et dyspraxie entre 30 et 40 %.

Il y a des comorbidités communes et un chevauchement entre les conditions. Les différents TND touchent davantage les garçons et de manière plus sévère.


Les causes : facteurs génétiques et environnementaux (alcool, certaines maladies…).

Qu’est-ce que le sommeil ?

Le sommeil est lié à notre planète : rythme jour/nuit de 24 heures car la terre tourne autour du soleil. Cela organise le rythme circadien.

Définition

Un rythme circadien est un rythme biologique d’une durée de 24 heures environ, qui possède au moins un cycle par période de 24 heures.


Toutes les espèces animales et végétales se sont calquées sur ce rythme, soit de manière nocturne soit de manière diurne. Il faut synchroniser le rythme de son cerveau et la temporalité du monde qui nous entoure.

  • Les troubles du rythme et les troubles du sommeil ne sont pas la même chose.
  • Retard du cercle circadien : on a le bon nombre d’heure et un sommeil « normal » mais décalé.
  • Le sommeil est une dimension essentielle de la vie : on dort 1/3 de notre vie.

Les rôles du sommeil

  • Restauration énergétique
  • Elimination des déchets neuronaux
  • Maturation cérébrale : influe sur les étapes du développement

Horloge biologique

Elle est en rythme avec l’environnement. Elle est régulée entre autre, par le fait de capter la lumière et l’obscurité (synchronisateurs externes) au travers de la rétine. Chez l’homme l’obscurité est un signal de repos.

Les synchronisateurs externes

Lumière/obscurité, mais aussi activité physique, alimentation, interactions sociales.

Chacun a un chronotype différent, c’est à dire que chacun a son rythme : certaines personnes dorment plus tard, d’autres se lèvent tôt. Cela est lié à des facteurs génétiques.

Quelques chiffres

  • Prévalence générale TND : 1 enfant sur 8
  • Comorbidité sommeil et TND entre 40 à 80 %

Chez les usagers et les familles, dans plusieurs recherches, les troubles du sommeil sont identifiés comme une priorité car ils impactent la qualité de vie et presque toutes les dimensions de la vie des personnes concernées et de leur famille.

Les troubles du sommeil peuvent prendre différentes formes

  • 30 min pour s’endormir
  • Réveil précoce : avant l’heure souhaitée
  • Réveil nocturne : se réveiller pendant la nuit

Les trois sphères peuvent être atteintes en même temps.

La conséquence : une durée de sommeil trop courte = inférieure à la durée recommandée par les sociétés savantes. Il y a également un impact sur la qualité du sommeil.

Les facteurs aggravants

  • Stress et anxiété
  • Les lumières bleues des écrans
  • Une activité physique juste avant l’endormissement
  • Les substances excitantes : café, cigarettes, drogues…
  • L’environnement : pas d’environnement sombre, trop chaud ou trop froid…
  • Horaires irréguliers

Il y a un lien entre autisme et troubles du sommeil : troubles sensorielles, anxiété, stress, autres pathologies du sommeil (syndrome d’apnée, des jambes sans repos, parasomnie…). Certaines caractéristiques de l’autisme et/ou comorbidité aggravent les troubles du sommeil.

Conséquence des troubles du sommeil sur la santé

  • Croissance
  • Obésité, diabète car baisse de l’activité physique, augmentation des calories
  • Mauvais suivi santé

Impact sur la cognition

  • Mémorisation
  • Difficulté attentionnelle
  • Troubles du comportement
  • Hyperactivité

Zoom sur les troubles du sommeil et l’autisme

Troubles du sommeil et autisme : une explication génétique.

Les gènes d’horloge biologique sont perturbés. Il y a aussi dans l’autisme une sécrétion plus faible de mélatonine. C’est lié à l’absence d’une enzyme qui transforme normalement la sérotonine en mélatonine.

Les facteurs comportementaux qui jouent un rôle sur le sommeil

  • Manque d’exposition à la lumière naturelle
  • Manque d’activités physiques en journée
  • Alimentation trop fractionnée ou continue
  • Manque d’activités structurées en journée
  • Exposition vespérale aux écrans
  • Absence de rituel d’endormissement

Les facteurs environnementaux qui jouent un rôle sur le sommeil

  • Nuisances sensorielles
  • Besoins non pris en compte : couverture lestée, chaussette
  • Environnement de sommeil inadéquat

Les comorbidités qui jouent un rôle sur le sommeil

  • Epilepsie
  • Syndrome anxiodépressif
  • Reflux gastro-œsophagien
  • Douleur
  • Iatrogénie : « La iatrogénèse ou iatrogénie est l’ensemble des conséquences néfastes sur l’état de santé individuel ou collectif de tout acte ou mesure pratiqué ou prescrit par un professionnel de santé habilité et qui vise à préserver, améliorer ou rétablir la santé.  » Source : Wikipédia
Colloque sommeil et TND
Troubles du sommeil et TND

Enquête sur l’impact du TDAH sur les adultes

Une enquête a été menée :

  • plus d’une heure pour s’endormir (pour plus de 11 % des personnes), plus de 3 réveils nocturnes, levé tôt (y compris les weekends et durant les périodes de congés pour plus de 74 %).
  • Qualité du sommeil : les personnes TDAH se sentent fatiguées après une nuit de sommeil, notamment parce qu’ils ne dorment pas suffisamment.


Il est important d’investiguer les troubles du sommeil chez les personnes TDAH car cette comorbidité est très présente dans cette population. Des interventions thérapeutiques peuvent être efficaces (TCC et/ou médication méthylphénidate).


Dans l’autisme, les troubles du sommeil touchent les personnes autistes entre 44 et 86%.

Demandes et solutions

Il est essentiel de sensibiliser les professionnels. En effet, dès qu’il y a un diagnostic de TND posé, un dépistage des troubles du sommeil doit être réalisé.

Plusieurs outils existent

  • Sleep Disturbances Scale : questionnaire en 25 questions qui permet d’identifier 5 facteurs
  • Echelle de Spruyt : syndrome d’apnée obstructif du sommeil
  • Pediatric Daytime sleepiness Scale

Malheureusement beaucoup de ces outils n’existent qu’en langue anglaise mais des traductions sont en cours.


Cette journée de recherche devrait permettre de mieux prendre en compte l’évaluation du sommeil, notamment dans les CRA, les CMPP, les PCO. Des liens devraient se créer entre ces structures et les centres d’étude du sommeil.

Ressource

Réseau Morphée consacré à la prise en charge des troubles chronique du sommeil https://reseau-morphee.fr/


Zoom sur la mélatonine :

Il n’y a pas à ce jour d’effets secondaires selon de nombreuses études mais il y a une pharmaco vigilance de maintenue avec un point d’attention au vue de la propension à l’automédication sur la mélatonine. Il est préférable que ce soit encadré par un médecin et qu’une réévaluation de la médication par mélatonine soit faite. Il est aussi recommandé d’associer mélatonine et TCC pour permettre de supprimer la médication après un temps.

Comment sensibiliser professionnels, parents et personnes concernées au sujet du sommeil ?

Beaucoup de levier existent sur lesquels il est possible d’agir pour faciliter le sommeil, éviter les décalages de rythme, les horaires irréguliers…

Les écoles peuvent être un outil de sensibilisation car elles ont une obligation de s’inscrire dans la promotion de la santé. C’est aussi un moyen de sensibiliser les professeurs et les personnels éducatifs.

Des programmes d’éducation au sommeil peuvent être mis en place à l’école ou en établissements médico sociaux, soit en s’adressant aux parents, soit directement aux personnes concernées. Il faut adapter le matériel au niveau de compréhension et à l’âge. Exemple de ressource : Mémétonpyj sensibilisation au sommeil pour les enfants.


Pour sensibiliser les professionnels, les familles et les personnes concernées, certains CRA (notamment Rhônes Alpes) organisent des interventions régulières sur le sommeil au CEDA. Ce sont des formations ciblées soit sur les enfants, soit sur les adultes.

Objectifs de ces formations

  • Approfondir leurs connaissances sur le sommeil
  • Connaitre la manière dont il s’exprime dans les TSA
  • Proposer des solutions

250 personnes ont été formées par ce dispositif.

Les aspects théoriques abordés

  • Rythme du sommeil, architecture du sommeil
  • L’évolution du sommeil
  • Les rôles du sommeil
  • Caractéristiques du sommeil dans les TSA

Ils ont aussi mis en place un atelier à destination des personnes TSA sans TDI avec une pair-aidante qui accompagne les adultes avec le recul qu’elle a sur sa propre expérience et sa formation spécifique.

D’autres solutions existent

  • Médication
  • Activité physique régulière
  • Rituels d’endormissement
  • Agir sur les hypersensibilités (bruit, lumière, vestibulaire et proprioception avec des couvertures lestées ou des hamacs par exemple)

©Natacha Eté pour PAARI – 2021