
Compte rendu de l’atelier MDPH du 6 janvier 2018 à destination de personnes autistes et animé par Stef Bonnot-Briey, co-présidente de PAARI.
Dossier MDPH
Contexte
Face à un dossier imposant par sa taille et sa technicité, le but de cet atelier était de faire prendre conscience aux participants de la législation en vigueur et des attentes des MDPH, notamment la commission qui se chargera de l’étude des dossiers qui lui seront envoyés : la CDAPH : Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées.
En effet, les usagers sont peu informés de leurs droits mais aussi et surtout du fonctionnement administratif et législatif qui régissent les traitements du fameux « formulaire de demande d’aide(s) MDPH ».
Le traitement des demandes s’inscrit dans un cadre formalisé par des textes dont les usagers doivent prendre connaissance afin de bien pouvoir exprimer et faire valoir leurs droits et besoins de manière significative.
Force est de constater qu’il existe des cases pré définies dans lesquelles les personnes handicapées doivent rentrées pour être éligibles à des aides de la MDPH.
En soi il est tout à fait normal qu’il y ait un cadre, mais concernant les Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA), ces cases prennent encore trop peu en compte les spécificités des personnes autistes d’où une vigilance à avoir et des revendications à faire valoir.
Le fameux « projet de vie » par exemple laisse démunis beaucoup de personnes autistes. Cette page blanche, qui laisse a priori une certaine liberté d’expression, implique en fait de mentionner des choses très spécifiques pour permettre à la CDAPH de bien cerner les besoins des personnes autistes et les réponses à y apporter.
PAARI a mis au point un modèle spécifique de projet de vie pour aider à remplir cette partie du dossier :
C’est donc à la fois en prenant mieux connaissance du système d’aides de la MDPH et en exprimant de manière plus significative les besoins des personnes autistes que leurs demandes pourront mieux être considérées comme éligibles ; gain de temps et d’efficacité pour les personnes autistes comme pour la CDAPH concernant les compensations auxquelles elles peuvent légitimement et légalement prétendre.
A noter que l’essentiel des documents auxquels les MDPH recourent pour traiter les demandes sont accessibles en ligne, notamment via le site de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA)
Il est également à noter que nombre des documents sur lesquels se basent les MDPH relèvent de critères avant tout moteur et/ou associés aux handicaps sensoriels.
Les handicaps invisibles sont les plus laissés pour compte, au sens où leurs difficultés sont souvent « hors cases ». Les TSA sont encore mal connus en France et les besoins spécifiques de chaque personne, selon son profil, sont donc peu pris en compte.
Cependant, contrairement à ce que l’on pourrait penser, des textes existent et en les lisant avec minutie, on constate qu’ils répondent à un bien plus grand nombre de besoins que
ce que nous renvoient parfois les MDPH.
Les MDPH sont des structures départementales : il peut y avoir des différences de gestion de l’une à l’autre. En outre, elles ont tendance à être surchargées de demandes et à avoir peu de moyens pour les traiter.
Recours
Pour toutes ces raisons, les dysfonctionnements sont fréquents. Mais nous avons des droits qu’il faut faire respecter. Alors il ne faut pas hésiter à faire appel en cas de décision finale non satisfaisante de la MDPH.
Depuis le 1er janvier 2019, Il est obligatoire, avant de saisir le tribunal, de faire un recours préalable auprès de la MDPH. Celle-ci aura 2 mois pour répondre. En cas de non réponse, la personnes peut alors porter un contentieux devant le Tribunal de Grande Instance (TGI).
Conseil de l’association TOUPI
Nous vous recommandons donc, dès lors que le délai d’instruction de votre dossier dépasse 4 mois, d’envoyer un recours préalable à la MDPH. En effet, après 4 mois, vous pouvez considérer qu’il s’agit d’un rejet tacite de votre demande. En envoyant le recours préalable, vous gagnez donc du temps. Lorsqu’arrivera la décision, vous pourrez en effet considérer que c’est une réponse à votre recours et saisir immédiatement le TGI.
Contester une décision MDPH
Enfant Différent – Les recours
Nouveau formulaire MDPH
Comprendre l’Autisme
Prestation de Compensation du Handicap – PCH
Généralités
Focus sur la PCH
Cette aide est la plus pertinente pour beaucoup de personnes autistes mais aussi la plus complexe à obtenir. Elle est versée par le Conseil Général.
Pour mieux comprendre comment formuler la demande de PCH, il est particulièrement important de s’appuyer sur deux documents de référence à télécharger ci-dessous :
Cahier pédagogique de la CNSA : l’éligibilité à la PCH
Guide d’accès au volet « aide humaine » de la PCH
La PCH contient cinq volets :
Pour être éligible à la PCH – volet 02 à 05 – les textes de la CNSA précisent qu’il faut présenter une « difficulté absolue » ou deux « difficultés graves » parmi les « 19 activités » mentionnées dans le guide sur l’éligibilité.
Là encore les termes de « grave » ou d’ « absolu » sont définis très techniquement dans le référentiel de la CNSA (voir schéma p. 2 et 3).
Arbre-de-decision-_-eligibilite-a-la-PCHMême si les personnes autistes peuvent parfois, souvent, se sur-adapter, il faut mentionner ce que cela leurs coûte en termes de répercutions sur leur autonomie, leur qualité de vie, leur santé… Les textes tiennent compte de ces éléments.
Par ailleurs, il est à noter que le besoin de stimulation est un critère pouvant qualifier une difficulté de « grave ». Or, le défaut d’initiative, la fatigabilité, la variabilité, ainsi que les particularités sensorielles et celles en lien avec les fonctions exécutives que l’on retrouve dans les profils autistiques justifient bien souvent ce besoin de stimulation.
Par conséquent, une majeure partie des personnes autistes sont éligibles à cette première étape.
Volets 02 à 05
Volet 02 – Aide technique
Concernant le volet « Aide technique », les casques réducteurs de bruits ou les lunettes filtrantes sont souvent encore considérés comme des équipements « de confort ». A
Définition des aides techniques :
Tout instrument, équipement ou système technique adapté ou spécialement conçu pour compenser une limitation d’activité rencontrée par une personne du fait de son handicap, acquis ou loué par la personne handicapée pour son usage personnel.
La liste des aides techniques qui entrent dans le champ de la prestation de compensation est précisée dans l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et dans l’arrêté du 28 décembre 2005.
Cet arrêté classe les aides techniques en trois catégories :
Certaines aides techniques qui ne sont pas prise en charge par la Sécurité sociale peuvent l’être dans le cadre de la prestation de compensation. La liste de ces aides est elle aussi détaillée dans l’arrêté du 28 décembre 2005. Il s’agit par exemple des aides à l’habillage, à l’hygiène (barres d’appui, siège de bain), à la mobilité (accessoires fauteuils, cyclomoteurs), aux activités domestiques, à la communication (aides optiques, téléphone, synthèse vocale, alarmes), etc.
La prestation peut prendre en charge les surcoûts des équipements d’utilisation courante ou comportant des éléments d’utilisation courante lorsqu’ils sont destinés à faciliter l’usage pour la personne handicapée.
Volet 03 – Aménagement du logement, du véhicule et frais liés au transport
Les aménagements sensoriels spécifiques aux TSA ne sont pas pris en compte. Il serait judicieux de créer un groupe de travail pour étudier cette question et en faire une remontée aux instances.
Si l’aménagement du véhicule relève du handicap moteur, le surcoût lié aux transports peut concernés les personnes autistes à partir du moment où elles présentent des difficultés d’orientation, de sensorialité ou autre entravant leurs déplacements, et que par conséquent elles doivent être accompagnés, véhiculés…
Volet 4 – Aide spécifique et exceptionnelle
Ce volet devrait être pour financer un suivi avec un paramédical même si la somme allouée est faible (psychologue, psychomotricien…).
Volet 05 – Aide animalière
Cette aide concerne notamment les chiens-guides pour personnes aveugles ou mal voyantes.
Volet 01 – Aides humaines de la PCH
Pour être éligible à l’aide humaine dans la PCH, les critères se rétrécissent dans le sens où il faut présenter une difficulté absolue ou deux graves parmi les « 5 actes essentiels » (toilette, habillage, alimentation, élimination, déplacements). La cotation est précisée p. 15 du guide d’éligibilité.
Les besoins en aide humaine peuvent également être reconnus s’il y a un besoin de surveillance, dans le cadre d’une absence de conscience du danger, d’une mise en danger de soi-même ou encore que la personne réalise en un temps significativement long une action avec besoin d’aide (cf la durée de 45mn par jour minimum mentionnée dans le guide). Là encore il faut penser à mettre en lumière le besoin de stimulation…
Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé -RQTH et Allocation aux Adultes Handicapés – AAH
Concernant la RQTH, elle généralement plus facilement accessible si l’on en remplit les critères d’éligibilité ; peut être aussi car elle ne coûte rien financièrement à l’état…
L’AAH est plus difficile à obtenir : elle peut fonctionner comme un remplacement ou un complément de salaire mais, dans les faits, elle n’est octroyée que si l’on travaille moins d’un mi-temps. C’est le revenu du foyer qui est pris comme revenu de référence. Il ne faut pas gagner plus qu’un certain plafond.
CONCLUSION
Pour rappel : Loi n°2005-102 du 11 février 2005 « Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées »
Définition du handicap
Art.L.114 : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »
Les personnes autistes rentrent bien dans ce cadre. En cas de non éligibilité, la MDPH est sensée nous orienter vers les autres dispositifs existants hors MDPH (dispositifs sécurité sociale, par exemple) mais elle le fait rarement (manque de temps, de formation, etc.).
La MDPH est aussi dans l’obligation de réaliser une évaluation « pluridisciplinaire » et devrait au moins passez à domicile notamment. Mais beaucoup de MDPH se fient en fait uniquement au certificat médical. Normalement, cette équipe pluridisciplinaire est sensée
s’appuyer également sur le GEVA – Guide d’ÉVAluation des besoins de compensation des personnes handicapées – pour prendre sa décision. Ce guide, également disponible en ligne, est la référence réglementaire depuis 2008.
Suite à la lecture du dossier et la demande de PCH, la MDPH doit proposer un PPC – Plan Personnalisé de Compensation.
Les textes et l’information sont accessibles. Plus les personnes autistes seront informées, plus elles pourront faire valoir nos droits.
Les personnes autistes doivent être aussi compétentes que les gens auxquels elles ont affaire, voire plus. Elles doivent se battre pour faire avancer leurs droits.
Il est possible aussi de se référer à la CIF, la Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé, qui a été élaborée par l’OMS en vue d’uniformiser la prise en charge du handicap à l’échelle mondiale.
Partageons nos expériences pour que nous puissions faire remonter les insuffisances et les incohérences et faire évoluer le système.
Stef Bonnot-Briey
Enfin, il ne faut pas seulement s’évaluer et faire notre demande en fonction d’un objectif de survie (pour la survie, ça, nous savons…), mais bien en vue d’atteindre une autonomie et une qualité de vie satisfaisante. C’est un droit humain fondamental. Ne minimisons pas nos difficultés.
Sources
- GEVA : http://www.cnsa.fr/documentation/formulaires/version-graphique-du-geva-et-son-manuel
- CIF : https://www.ehesp.fr/international/partenariats-et-reseaux/centre-collaborateur-oms/classification-internationale-du-fonctionnement/
- Dossier technique CNSA : guide d’appui spécifique TSA
- Formulaire MDPH : ils sont sensés être uniformisés dans toutes les MDPH mais par précaution, le mieux est d’aller sur le site MDPH de vos départements respectifs.
© Stéf BONNOT-BRIEY, co-présidente de PAARI
Avec l’aide à la mise en forme du CR d’Alice DELMOTTE HATIER, adhérente de l’AFFA
